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LOUISE MICHEL

Imaginez, 1871, la butte Montmartre sans son Sacré Cœur, à sa place la Tour Solférino accolée à une guinguette surplombant des pentes couvertes de jardins, de vergers et de cultures, parcourus par quelques lièvres et perdrix faisant le bonheur des amateurs de chasse. Une foule s’y affaire scandant son refus d’abdiquer devant l’ennemi prussien avec, face à elle, une offensive envoyée par le gouvernement versaillais, venue taire toute émulation de son propre peuple. Au milieu de cette foule se trouve une femme, habillée comme un homme, les cheveux rebelles coiffés d’une casquette de combattant, le poignard à la main, la faim de son peuple dans le ventre, la haine contre l’injustice dans la chaire, on la surnomme la louve ou bien encore la vierge rouge, Louise Michel. Cette institutrice, ayant grandi dans une famille voltairienne en Haute-Marne, insurgée par la différence d’éducation que l’on donne aux filles et aux garçons, pionnières dans la mise en place d’écoles mixtes dans le but de faire sortir les jeunes filles de la cage domestique où des siècles de régime patriarcale les avaient enfermées, est historiquement célèbre pour ses implications politiques non seulement féministes mais aussi en faveur du peuple et contre toutes formes d’injustice.

 

Elle suit la foule pour rejoindre la barricade de Clignancourt et participe au combat de rue dans lequel, désormais munie d’une arme à feu, elle tire ses derniers coups avant de se rendre pour faire libérer sa mère, arrêtée à sa place. Un par un, chacun de ses amis est exécuté par la cour de Versailles. Son cœur se déchire quand celui qui l’occupait périt à son tour.  Elle se lève et crie à ce tribunal de la honte : « Ce que je réclame de vous, c’est le poteau de Satory où, déjà, sont tombés nos frères ; il faut me retrancher de la société. On vous dit de le faire. Eh bien, on a raison. Puisqu’il semble que tout cœur qui bat pour la liberté n’a droit aujourd’hui qu’à un peu de plomb, j’en réclame ma part, moi ! ». Elle, qui revendiquait l’égalité entre les hommes et les femmes dans la lutte, en a fait autant face à la répression. Elle échangera avec Victor Hugo depuis la prison, lui envoyant quelques poèmes dont celui-ci :

 

Prison de Versailles, octobre 1871.

 

On en est à ce point de honte

De dégoût profond et vainqueur,

Que l’horreur ainsi qu’un flot monte,

Que l’on sent déborder son cœur.

Vous êtes aujourd’hui nos maîtres ;

Notre vie est entre vos mains ;

Mais les jours ont des lendemains,

Et parmi vous sont bien des traîtres.

 

Passons, passons les mers, passons les noirs vallons,

Passons, passons

Passons, que les blés mûrs tombent dans les sillons.

 

Envoyez-nous loin de la France ;

Les pieds y glissent dans le sang ;

Les vents y soufflent la vengeance ;

Entre nous, l’abîme est trop grand.

Laissez-nous partir tous ensemble

Dans les tempêtes de l’hiver,

Sur les flots grondants de la mer,

Vers quelque sol brûlant qui tremble.

 

Là du moins, nous serons, mes frères,

Sur un sol libre et généreux.

Nos villes sont des cimetières ;

L’ombre des palmiers vaut bien mieux

Si tout passe comme les rêves.

Le progrès a l’éternité ;

Et toujours ton nom, liberté,

Soufflera dans le vent des grèves.

 

Creusez-nous une vaste tombe,

Exil ou mort, mais pour nous tous :

Là, comme la feuille qui tombe,

Les heures passeront sur nous ;

Sur nous, scellez l’ombre immense

Qui couvre l’éternel repos,

L’oubli de ce qui fut la France,

Comme la pierre du tombeau.

 

Mais sachez bien, vainqueurs sublimes,

Que si vous en frappez un seul,

Il faudra, poursuivant vos crimes,

Sur tous étendre le linceul ;

Nous fatiguerons votre rage,

Pour vous jeter, froids assassins,

Toujours notre sang au visage.

Nous renaîtrons tous sous vos mains.

 

Passons, passons les mers, passons les noirs vallons,

Passons, passons

Passons, que les blés mûrs tombent dans les sillons.

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